Conférence de presse du jeudi 24 mars 2016 à Saint-Pierre-et-Miquelon

Marine Le Pen

07 avril 2016

Saint-Pierrais, Miquelonais, Françaises, Français du bout du monde,

Nous sommes ici à la frontière française avec le Canada. Sur un morceau de cette frontière maritime que la France partage avec le reste du monde.

Je dois confesser une affection particulière pour les aventuriers, pour les figures historiques qui « sortent du cadre » et qui nous ont légué à nous Français, la France en héritage.

Comment ne pas penser au grand Jacques Cartier, qui affirma le premier la souveraineté française sur ces terres ? Lui qui, revenant du Canada, avec ses deux navires, La Grande Hermine et L’Emerillon, vit en cet archipel, déjà, un lieu propice à la défense des intérêts de la France dans l’Atlantique.

Comment ne pas penser non plus à l’héroïsme de Saint-Pierre-et-Miquelon pendant la Seconde Guerre mondiale, (98,2 % suffrages exprimés) l’archipel plébiscitant la France libre (98,2 % suffrages exprimés) et devenant dès 1941, l’un des premiers territoires à se rallier au Général de Gaulle contre le régime de Vichy.

Hélas, la métropole n’a pas toujours su récompenser la fidélité des habitants de Saint Pierre et Miquelon, notamment ces dernières décennies où ses intérêts économiques ont trop souvent été sacrifiés.

Votre sort ne m’est pas indifférent, car vous n’êtes pas des demi-citoyens ou une quantité négligeable. C’est ce qui me pousse à venir vers vous, aujourd’hui, pour vous convaincre qu’il ne faut pas baisser la tête ni ployer le genou, mais au contraire poser un acte de résistance.

En tant que territoire français, l’archipel, certains le savent, bénéficie du statut de « PTOM »1 et de ce fait est associé à l’Union européenne.

Ce n’est pas un RUP2 comme la Réunion, la Guadeloupe ou la Martinique, ce qui justifie que la Commission ne préside pas encore tout à fait aux destinées de l’archipel.

Pourtant on ne compte plus les rapports parlementaires, les groupes de pression, qui insistent pour donner mandat à la Commission européenne de vous inclure dans l’accord de libre-échange négocié entre l’UE et le Canada. Il paraît d’ailleurs que le jeune Justin Trudeau souhaite le signer dès cette année.

Que ce soit clair : cet accord détruirait l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon !

Je pense en effet qu’il existe d’autres solutions que celle du poison ultra-libéral, pour redresser la barre dans les Outre-Mer et dans l’archipel en particulier. Celle d’une France souveraine capable de veiller à ses intérêts partout dans le monde.

Nombreux ont été les arbitrages internationaux qui nous ont été ici - et récemment - défavorables.

Je pense en particulier à l’arbitrage de New York de 1992, qui n’accordait que 12 400 km2 de zone économique exclusive à Saint-Pierre-et-Miquelon sur les 48 000 que la France demandait pour son archipel.

Cette atteinte à vos droits a entraîné de considérables difficultés économiques pour vous. Je crois que vous avez fait assez de sacrifices.

Dans la sérénité, dans la tranquillité, mais avec fermeté, vos droits et vos intérêts doivent être défendus.

Non seulement parce qu’ils sont la condition de la prospérité des Français de Saint-Pierre-et -Miquelon, mais aussi parce qu’ils sont ceux de la France, qui se doit de protéger et servir tous ses citoyens et nationaux dans leurs légitimes revendications.

Ces revendications, je les entends. L’économie insulaire dispose d’un trésor caché, encore trop peu exploité, celui des hydrocarbures. Je sais que ce sujet est source de divergences avec nos partenaires canadiens, qui ont aussi des ambitions pour ces ressources sous-marines.

La diplomatie devra faire son travail et un accord équitable devra être trouvé avec le Canada.

Cependant, le compromis ne doit pas se transformer en compromission et la France souveraine ne pourra pas accepter que ses enfants se voient sacrifiés à nouveau sur l’autel de la complaisance.

Non, je ne laisserai pas un autre arbitrage international sacrifier Saint-Pierre-et-Miquelon. La condamnation à la stagnation économique de cette collectivité a été – est - un grand scandale que je refuse de laisser perdurer une fois élue.

Saint-Pierre-et-Miquelon, au contraire, doit devenir un territoire qui demain, aura de l’avance, sera pionnier comme il l’a déjà été dans son passé. Un territoire qui s’intégrera parfaitement dans la stratégie de la France dans le nord-ouest atlantique, dont vous avez été depuis longtemps les sentinelles pour le plus grand profit de la Nation.

Pour cela, il faut en premier lieu imposer une continuité territoriale qui fait aujourd’hui défaut, c’est l’existence de transport direct qui permet à l’économie de se développer, pas l’inverse.

La filière pêche, si importante dans ce territoire et qui a même déterminé l’implantation de la France dans le nord de l’Atlantique souffre aujourd’hui d’une crise extrêmement grave et qui est essentiellement la conséquence de l’abandon de Saint-Pierre-et-Miquelon et des droits français dans la région, par les gouvernants métropolitains.

En fait, aucune vision stratégique n’a été développée par les dirigeants français.

→ Ainsi, cette année, le sommet des chefs d’Etats et de gouvernements arctiques fêtera le 20e anniversaire du Conseil de l’arctique et la France observera l’approfondissement entre Saint-Pierre et Miquelon et l’arctique. N’ayant été ni réfléchie, ni travaillée, la relation épistolaire entre le gouvernement français et les Nations-Unies étant à l’évidence le service minimum.

Ainsi, parce qu’il faut bien appeler une certaine complaisance diplomatique, il n’est reconnu, je le répète, à l’archipel, que le droit de disposer de 12 000 km2 de mer alors que la France réclamait la possibilité d’en exploiter 48 000 !

Pire, 70% des quotas français doivent théoriquement être pêchés par des navires canadiens et débarqués à SPM, ce qui pénalise les navires français armés ici même, et dans les autres territoires français.

Il s’agit là d’une véritable atteinte aux droits souverains de la France dont les habitants de l’archipel devraient légitimement pouvoir attendre les bénéfices et la protection.

Face à la situation catastrophique de la filière, qui s’est effondrée avec une division par 7 du volume des exportations entre 1992 et 2009, et la fermeture en 2012 de SPM Sea Foods, principal opérateur de transformation des produits de la mer à Saint-Pierre-et-Miquelon, il faut s’engager résolument dans la réhabilitation de ce secteur d’activité historique.

La pêche ne représente plus que 2% de la valeur ajoutée de l’archipel, cette situation ne peut pas durer ! Des solutions sont possibles, notamment grâce au patriotisme économique, mais aussi au transport.

Mais surtout, la France et son gouvernement doivent cesser de sous-estimer l’investissement d’avenir que constitue l’économie de la mer, particulièrement lorsque l’on a un poste avancé dans l’arctique américain dont on prévoit une explosion économique dans les prochaines années en raison des changements climatiques (PIB de l’Arctique multiplié par 3 en 15 ans).

Cette croissance bleue, portée par la mer, repose évidemment sur la pêche, mais aussi sur l’exploitation des fonds marins, ici riches en hydrocarbures.

Les polartec (technologies développées en milieu polaire) sont ignorées, la recherche sur les enjeux environnementaux n’est même pas envisagée, la technologie en milieu polaire est délaissée, alors que la France pourrait s’y faire une place de choix. La navigation, non seulement marchande, mais aussi de plaisance, constitue également une voie de développement économique non négligeable.

Ces choix géoéconomiques ont été compris par d’autres nations comme la Chine ou la Grande-Bretagne, pas par la France !

Or, si le schéma de développement stratégique du Conseil territorial pense le développement arctique, il n’est accompagné par aucune des structures nationales dont c’est pourtant le rôle, banques publiques d’investissement, CGSP (Commissariat général à la stratégie et à la prospective).

Je n’ai eu connaissance d’aucune réflexion stratégique tenant compte de la position géoéconomique de Saint-Pierre et Miquelon, point incontournable des routes arctique et atlantique.

Bref, il faut aller plus loin que la vision un peu méprisante développée par nos élites à l’égard de l’outre-mer qui consiste à subventionner des grands travaux (qui ont une fin) ou de ne les envisager que sous l’angle de leur traitement social.

Comme l’agriculture française, l’outre-mer est un trésor qui ne veut plus être traité à coups de subventions, mais souhaite être intégré dans une vision stratégique nationale.

Des territoires à part entière dont les atouts seraient enfin identifiés, promus, dynamisés au niveau national, dont les intérêts seraient défendus.

La France veut et doit repartir à la conquête du monde.

Nos outre-mer sont nos postes avancés, traitons-les tels quels et ils le rendront au centuple, et nos compatriotes n’auront plus ce sentiment terrible qu’ils ressentent trop souvent, d’être considérés comme des boulets alors que ce sont des moteurs que l’on ignore.

Vive Saint-Pierre-et-Miquelon !

Vive la France !

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1 PTOM : Pays et Territoires d’Outre Mer

2 RUP : Région Ultrapériphérique de l’Union européenne

Marine Le Pen

07 avril 2016

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