Point presse de Marine Le Pen au Salon Mondial de la Défense et de la Sécurité ( Eurosatory 2014)

Marine Le Pen

19 juin 2014

Relever notre outil militaire
c'est dynamiser notre outil industriel de défense

 

Mesdames et Messieurs,

A l'issue de cette visite à Euro-Satory je veux délivrer ici un message fort.

Ce message c'est qu'il y un lien indissociable entre notre outil militaire et notre outil industriel de défense. Par conséquent, en affaiblissant année après année notre outil militaire, les gouvernements UMPS qui se sont succédés font peser un péril réel sur notre industrie de défense et comme celle-ci constitue l'un des pôles d'innovation essentiels qui irrigue bien d'autres secteurs industriels, ils font peser un péril sur l'ensemble de notre secteur industriel.

Et ce qui est grave c'est que tout cela se passe dans le silence parce que l'armée est la grande muette et parce que l'industrie de défense n'ose pas communiquer sur un sujet, l'armement, qui est trop vite caricaturé, quand il n'est pas diabolisé par la bien-pensance médiatique.

Et pourtant il faut le dire haut et fort aux Français : le secteur industriel de la défense est vital pour notre économie, il est vital pour notre liberté, il est vital pour notre rang dans le monde. Il est donc vital pour la France entière!

Je voudrais rappeler quand même quelques chiffres même si ici ces chiffres sont bien connus.

La loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, récemment adoptée, qui est de 190 milliards d'€ sur 6 ans, représente une nouvelle réduction de près de 10 milliards par rapport au budget actuel.

Malgré l'engagement du Président de la République le 2 juin dernier encore, et malgré la mise en garde exceptionnelle des chefs d'Etat majors, malgré aussi les avertissements des grands industriels français de la Défense, Bercy a prévu une nouvelle coupe de 350 millions d'€ dans le projet de Loi de finances rectificatif, coupe qui s'ajoute aux 650 millions de suppression de crédits budgétaires fin 2013.

Je rappelle qu'au début de la guerre froide, dans les années 60, notre budget de défense pesait près de 5,5% du PIB, qu'en 1980, il représentait encore 3% et qu'aujourd'hui il ne pèse que 1,5% de notre richesse nationale. Au rythme d'un tel déclin, en 2019, c'est-à-dire au terme de l'actuelle loi de programmation, la France ne consacrera plus que 1% de sa richesse à sa défense. Où veulent-ils donc que cela s'arrête?

Le plus incroyable est que cette pente que nous suivons est inversement proportionnelle à ce qui se passe ailleurs dans le monde.

Je rappelle que le seul budget militaire américain pèse à lui seul la totalité de tous les autres budgets militaires du monde additionnés et qu'il ne cesse d'augmenter. Je rappelle aussi que tous les pays émergents, de l'Amérique Latine à l'Asie, en passant par le Maghreb, augmentent eux sensiblement leur effort de défense.

Et si nous regardons ce qui se passe en Europe, chez nos amis britanniques par exemple, nous voyons qu'un sujet britannique dépense 825 € par an pour sa défense alors qu'un citoyen français n'en dépense plus que 620 €.

Donc ce n'est pas vrai que nous faisons comme les autres. Nous faisons le contraire de ce que font tous les pays qui veulent compter demain dans l'Histoire!

Le plus incompréhensible, quand on veut analyser ce déclin de l'effort de défense français, c'est que, livre blanc après livre blanc, on nous explique pourtant que les menaces s'aggravent. C'est ce que le président de la République lui-même écrit dans la préface du Livre Blanc de 2013.

Oui, les menaces géopolitiques s'amplifient, chez nous comme à notre périphérie.

Chez nous, à très court terme, des centaines de zones de non droit seront le refuge de centaines de djihadistes de retour de Syrie.

A notre périphérie, en Méditerranée, il y a l'explosion des foyers islamistes radicaux en Libye, dans le Sahara, jusqu'en Afrique subsharienne, et l'on en voit les conséquences au Mali comme en Centrafrique. Il y a aussi les pouvoirs islamistes, hostiles par essence à notre civilisation, qui s'installent en Tunisie, qui ont tenté de contrôler l'Egypte, et qui demain peut-être s'empareront du pouvoir en Algérie, un pays qui se dote d'une armée puissante, de nombreux avions de chasse, de nombreux chars de combat...

Ce nouveau monde ramène devant nous la menace des conflits inter-étatiques, pas seulement des conflits de basse intensité dans lesquels nous avons projeté récemment des forces, je dis bien des conflits de haute intensité, qui nécessitent des avions, des hélicoptères, des chars, des bâtiments navales, en nombre, en grand nombre même parfois, et qui nécessitent aussi la mobilisation d'effectifs militaires importants.

La qualité, la supériorité technologique ne suffisent pas à préparer un avenir de paix. Il nous faut maintenir le nombre, les hommes en nombre, les matériels en nombre. Or nos gouvernements font exactement le contraire. Sous prétexte d'économie, de réforme, de modernisation, ils diminuent dangereusement nos effectifs militaires et nos équipements.

La réduction d'effectifs d'abord. Aux 54 000 suppressions décidées en 2008 on va ajouter, pour la période 2014-2019, 24 000 personnes soit près de 80 000 suppressions sur 10 ans. Or il n'est pas vrai que ces suppressions successives d'effectifs n'affecteront pas notre capacité opérationnelle. Le vivier de nos forces projetable est passé de 130 000 h en 2000 à 65 000 h aujourd'hui. Or, je rappelle que la prise de contrôle de la seule ville de Falludja en Irak par les Américains a nécessité l'intervention de 50 000 hommes américains.

Mais ce ne sont pas seulement les effectifs qui baissent. Notre budget d'équipement (fournitures d'armes et de munition) qui est de 11 milliards d'€ (budget 2013) sur un total de 31 milliards (hors les pensions qui pèsent 10 milliards en plus), notre budget d'équipement donc baisse lui, en proportion du budget de défense, encore plus vite!

Il faut le dire haut et fort : le déshabillage en effectifs et en budget d'équipement a des conséquences critiques sur les capacités de nos forces armées. Le courage, la disponibilité, le professionnalisme de nos soldats ne suffisent plus à compenser ce qu'il va bien falloir appeler par son nom : une trahison de l'UMPS.

Dans un monde chaque jour plus dangereux, chaque jour mieux armé, comment en effet ne pas considérer que l'affaiblissement de notre outil militaire n'est pas une trahison?

Et tout le monde sait bien que ni l'Union européenne, qui pèse moins de 30% de l'effort de défense américain et n'est qu'une addition de contradictions géopolitiques dont il résulte un manque de volonté générale, ni l'OTAN qui est un outil au service de l'industrie de défense américaine en Europe, ne pourront jamais compenser le déclin de l'outil militaire français.

Et la conséquence pour notre outil industriel de défense est donc hélas, fort logiquement, catastrophique.

L’industrie d’armement française, c'est en 2013, 17,5 Milliards d’euros de chiffre d’affaire et  165 000 emplois à forte valeur ajoutée. Et je ne compte pas les milliers de petites et moyennes entreprises sur le territoire. Avec son niveau très élevé de R&D, elle est un moteur essentiel d'innovation pour de nombreux secteurs civils.

Mais si les Français pensent souvent aux exportations à propos de ce secteur puisque les médias parlent des "marchands d'armes", ils oublient souvent que les 2/3 du chiffre d'affaires de ce secteur tiennent aux commandes de l'armée française, donc de l'Etat français.

Donc réduire les crédits de défense c'est s'attaquer directement à notre industrie française de défense, c'est à dire à un pôle d'excellence de notre industrie national.

Mais le risque ne tient pas seulement dans la baisse des crédits de défense. Il tient dans la dérégulation mondiale, le refus des marchés publics protégés, et je serai particulièrement attentive aux risques que peut faire peser, par exemple, le futur traité transatlantique s'il était validé par l'Union européenne, sur notre industrie de défense.

Le Front national a, vous le savez,  un projet global à la fois cohérent et volontaire: la réindustrialisation de la France. Celle-ci passe par ce que nous appelons l'Etat stratège.

L'Etat stratège est celui qui pense la France dans son environnement stratégique, dans les menaces géopolitiques de demain. C'est celui qui va doter la France de demain d'un outil militaire puissant capable de dissuader les adversaires potentiels et d'assurer notre paix, notre sécurité intérieure et extérieure, notre souveraineté terrestre, maritime et aérienne.

Nous voulons consacrer au moins 2% de notre richesse nationale à notre outil militaire et de fait dynamiser le carnet de commandes de notre secteur industriel de défense, ce secteur d'innovation ce qui de fait maintiendra de nombreux ingénieurs et créateurs de brevets en France. Voilà l'Etat stratège et voilà la conséquence industrielle directe.

Si je suis élue présidente en 2017 je vous le dis clairement : je stopperai le glissement inacceptable de notre force militaire du statut d'institution régalienne majeure vers celui d'une société de services. J'assurerai à nos chefs de corps l'autonomie en matière de soutien et logistique de leurs entraînements et de leurs engagements. Je maintiendrai la quantité, les effectifs, en me méfiant de l'idée du tout qualitatif, avec l'idée que c'est la combinaison du nombre et de la force qui fait la force.

Je rendrai aussi le Ministère de la défense aux militaires qui en ont été dépossédés au profit de civils technocrates quand ils ne sont pas idéologiquement anti-militaristes. Je conserverai à la France la capacité de s'engager librement dans la défense de ses intérêts propres sans dépendre des Etats-Unis et de l'OTAN.

Je refuserai le tout ou rien du nucléaire, tout en préservant nos capacités essentielles de dissuasion.

Je favoriserai les grands programmes industriels français en maintenant à la France la capacité de disposer d'une large panoplie d'armements terrestres et aéronautiques en faisant aussi en sorte que notre armée soit elle-même une vitrine attractive pour nos exportations d'armement.

Mesdames et Messieurs, c'est une grande faute que de sacrifier le bras armé de la France au gré  de quelques embarras financiers.

C’est une faute en regard du monde dont chacun sait qu’il réservera de fâcheuses surprises qui élimineront sans pitié les nations au moral défaillant.

Marine Le Pen

19 juin 2014

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