Bruxelles : migration libre et favorisée

Dominique Bilde

Tribune libre

02 août 2018

Tribune libre de Dominique Bilde, Député français au Parlement européen, Conseillère régionale Grand Est

Au moment où Matteo Salvini se montrait ferme face aux ONG qui jouent aux passeurs avec des subsides européens, les médias contre-attaquaient en chœur, avançant qu’il n’y avait plus de crise migratoire, que les flots s’étaient taris, qu’il ne s’agissait que d’accueillir à peine quelques centaines de migrants.

Étonnamment, ce 29 juillet, Libération, grand organe de la presse dissidente, nous apprend qu’ « ils sont plus de 8 000 à la mi-juillet 2018 » à tenter de franchir la frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, et qu’ « ils pourraient être plus de 50 000 à tenter de transiter par le pays dans les prochains mois ». Qu’en serait-il si la crise migratoire avait perduré ?

Bruxelles souhaite la libéralisation des visas pour les Kosovars

Le maire de la ville de Bihac, proche de la frontière, l’avoue sans détour : « ous avons peur de devenir Calais ». Il faut se rendre à l’évidence, l’immigration est une richesse, vous voyez bien que le modèle français s’exporte ! Visiblement, les habitants de cette ville en doute : ils se plaignent de ces migrants qui s’introduisent par effraction dans plusieurs maisons, qui tabassent sans raison et qui détruisent les cultures en traversant massivement les champs(1).

Heureusement pour eux, Bruxelles prend le problème à bras-le-corps. Le 18 juillet dernier, la Commission européenne s’est montrée favorable à la libéralisation des visas pour les Kosovars à destination de l’espace Schengen. Maintenant que le parlement kosovar a ratifié l’accord de démarcation de sa frontière avec le Monténégro, Dimitris Avramopoulos, Commissaire européen aux Affaires intérieures ne voit plus aucune contre-indication.

Ce n’est pas comme si la région des Balkans occidentaux était une voie de transit massif, que cinq États membres de l’Union européenne n’avaient pas reconnu l’indépendance du Kosovo et que la Serbie, pays avec lequel ce territoire partage le plus de frontière, refusait totalement de reconnaître son indépendance depuis que celui-ci a fait sécession.

Les Balkans : terre de migration en tout genre

La région ne se contente pas d’être une terre de transit. Elle est aussi une terre de migration interne et une terre de départ.

Le contentieux qui occupe par exemple la Serbie et le Kosovo repose sur des migrations de populations conduisant à la revendication de possession d’un même territoire par deux groupes distincts : les Serbes et les Albanais. Et ces migrations n’ont pas pris fin avec la sécession du Kosovo.

C’est d’ailleurs ce qui a poussé, le 16 juillet, le président serbe, Aleksandar Vucic, à proposer à son homologue kosovar un échange territorial lors d’une réunion en présence de Frederica Mogherini, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Vucic souhaite récupérer le nord du Kosovo, peuplé majoritairement de Serbes contre la région entourant la ville de Presevo, où vivent principalement des Albanais.

Si le président serbe, jugé ultra-nationaliste par les médias d’Europe de l’Ouest, est prêt à un accord conduisant à reconnaître le Kosovo dans les faits - sans toutefois le reconnaître sur le plan international - alors même que de nombreux Serbes, à commencer par ceux vivant au centre du Kosovo, y sont tout à fait opposés, c’est justement parce qu’il perd un peu plus chaque jour la partie du fait de l’immigration albanaise. Ayant une natalité plus forte, les Albanais n’hésitent pas à coloniser les territoires serbes. D’où l’urgence de définir des frontières. Le premier ministre kosovar, Ramush Haradinaj, sachant que le temps lui est favorable, a eu beau jeu d’arguer que la partition du Kosovo mènerait à la guerre.

Mais l’on pouvait tout aussi bien prendre l’exemple de la population albanaise en Macédoine. Les migrations internes aux Balkans occidentaux n’ont cessé depuis le démantèlement de la Yougoslavie qui a conduit à de massifs déplacements de population.

Terre de départ enfin : que ce soit la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, le Kosovo ou bien l’Albanie, ou encore et surtout la Bosnie-Herzégovine (qui est passé de 4.3 à 3.7 millions d’habitants entre 1991 et 2005), tous ces pays candidats ou potentiellement candidats, ont un solde migratoire négatif. La population des Balkans qui était de 69 millions en 1980 serait aujourd’hui de 65 millions. La diaspora des Balkans est estimée à plus de 15 millions de personnes. Et si l’Albanie ne compte aujourd’hui que 3 170 000 habitants, le nombre d’émigrés depuis 1990 dépasse le million.

Ces pays sont donc marqués par un exil sans limite. Et cela n’est pas sans conséquence : on chiffrait par exemple en 2005 à 32.5% le nombre des personnes incarcérés en Italie originaires des Balkans.

Cette péninsule est un hub migratoire, région de transit, de déplacements internes et terre de départ. Viktor Orban l’a compris et protège sa population en rendant sa frontière sud tangible et sécurisée. Pendant ce temps, Bruxelles la fait voler en éclat en prônant la circulation libre et sans contrôle.

 

(1) « Migrants : en Bosnie, la peur de « devenir Calais » », Libération, Mersiha Nezic, le 29 juillet 2018. Accessible à : http://www.liberation.fr/planete/2018/07/29/migrants-en-bosnie-la-peur-de-devenir-calais_1669607 

Dominique Bilde

Tribune libre

02 août 2018

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