Économie : le mirage chinois

Dominique Bilde

Tribune libre

07 novembre 2018

Tribune libre de Dominique Bilde, Député français au Parlement Européen

« Si l’on savait que la France était reconnue dans le monde entier pour le luxe, le vin ou le tourisme, on ignore sans doute qu’elle est particulièrement réputée pour la qualité de la formation de ses apprentis » s’extasiait le Républicain Lorrain le 24 octobre 2018, à l’occasion de l’ouverture en partenariat avec le pôle formation des industries technologiques de Lorraine d’un centre d’apprentissage dans la province de Shanghaï.

Mais si notre canard local croit bon de pousser un cocorico et de s’émerveiller de cet hommage rendu à l’excellence française, ce coup de pouce aux entreprises candidates à la délocalisation est au contraire plus que malvenu. Ce n’est d’ailleurs pas tout, les chambres de commerce et d’industrie étant aux petits soins pour des investisseurs parfois effarouchés par les « différences culturelles et comportementales » chinoises. On apprenait ainsi en 2012 que « la CCI [a] établi une base avancée à Shangaï, avec un ingénieur chargé de prospecter pour des entreprises lorraines ».

Si la région Grand Est, qui a signé récemment un accord avec la province du Sichuan, feint de considérer cette collaboration comme gagnant-gagnant en exaltant l’arrivée providentielle du fameux « investisseur chinois », les chiffres et les faits sont têtus.

Car non seulement la Chine représente le premier déficit commercial de la région, mais bien des projets mirifiques se sont révélés être des flops retentissants. Quid par exemple du « gigantesque centre d’affaires » TerraLorraine ?  Censé créer 30 000 emplois à terme -et en détruire sans doute davantage-, le « pont entre l’Europe et la Chine » s’est finalement échoué en catimini dans un petit entrepôt de Metz-Actipôle.

L’espoir a été également vite douché s’agissant de la production d’ampoules LED à Verdun, annoncée en grande pompe le 21 mars 2016 par Manuel Valls. Les promesses de cent millions d’euros d’investissement et de 200 emplois étaient déjà envolées l’année suivante, aucun permis de construire n’ayant été déposé. Quant au joyau national de Baccarat, il s’en est fallu de près d’un an pour conclure sa vente au Chinois Fortune Fountain Capital, à un prix d’ailleurs inférieur au cours de bourse. Les bonnes âmes qui ont bien voulu croire aux promesses d’investissement de « 20 à 30 millions d'euros » en seront probablement pour leurs frais.

Attachée à ma terre natale de Lorraine, j’ai assisté avec consternation à cet enchaînement de fiascos et au spectacle de hauts responsables français en pâmoison devant les baudruches d’investisseurs étrangers. A l’heure où les ravages de la désindustrialisation sont toujours plus flagrants, il est pourtant urgent de se rendre à l’évidence : entre dumping massif, transferts de technologies et déficit commercial abyssal, il est patent que si la Chine poursuit des intérêts en France, ce ne sont certainement pas les nôtres !

Dominique Bilde

Tribune libre

07 novembre 2018

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