L’été meurtrier : de l’insécurité à l’ensauvagement

Philippe Olivier

Tribune libre

06 septembre 2018

Tribune de Philippe OLIVIER, Conseiller Spécial de Marine Le Pen

L’été aura égrené le long chapelet des agressions au couteau. Tout le pays aura été concerné y compris de petites villes de province jetées soudainement dans l’effroi d’un fait divers. Dans l’insouciance habituelle de l’été, ces crimes quasi quotidiens auront provoqué un flot d’émotion et d’incompréhension dont seuls les réseaux sociaux se sont faits le témoin.

Comme pour répondre à des situations qui interviennent en écho dans certains pays européens, la Grande-Bretagne et l’Allemagne connaissent un phénomène similaire, avec en prime chez nos voisins britanniques, la multiplication des effroyables agressions à l’acide.

L’égorgement : le déni face à une pratique qui explose

De la même façon qu’ on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu, la présentation des attaques à l’arme blanche fait l’objet dans une France amalgamophobe de circonvolutions sur lesquelles seuls les commentateurs libres se plaisent désormais à ironiser: le nom, la qualité ou la photo des auteurs sont absents des articles et ne se retrouvent qu’au prix d’une recherche internet ; les lésions mêmes létales sont décrites comme des « entailles au niveau du cou » ce qui prend en français le nom, il est vrai trop évocateur et peut-être culturellement connoté, d’«égorgements » ; chacun remarque enfin que les criminels sont généralement décrits comme des « déséquilibrés », très vite exfiltrés de la rubrique des faits divers par les médias et de la mécanique judiciaire par les juges.

D’un point de vue juridique, ces affaires reposent la question du port d’arme prohibé dont la sanction, pour ce qui concerne les couteaux par exemple, a été dans la pratique très largement limitée à un simple et peu dissuasif « rappel à la loi ».

Pourtant, pour ceux qui envisagent le recours possible à la force, le port d’une arme discrète, facile d’emploi, silencieuse et terriblement meurtrière est tentant. Son utilisation l’est tout autant, notamment chez des individus qui se contrôlent difficilement. L’expérience pénale rappelle, en effet, que le simple fait de se savoir armé confère à son détenteur une assurance qui incite peu à la désescalade de la violence. Ne serait-ce que pour cette raison objective, la pratique pénale devrait être sans faiblesse. Pourtant c’est le laxisme qui triomphe.

Pour éradiquer cette mode criminogène qui s’est très largement étendue ces dernières années, y compris dans les écoles, des peines fermes doivent être maintenant appliquées. Comme pour les délits routiers, sans sanction pénale effective, il n’y a pas d’incrimination morale.

Mais surtout, ces affaires d’agressions ou de meurtres révèlent la multiplication des crimes gratuits, crimes « non crapuleux », perpétrés sans raison ou pour des prétextes futiles. C’est là un phénomène de société sur lequel les politiques doivent porter leur attention.

Derrière l’acte gratuit comme de l’acte terroriste, la même volonté de soumission

Il existe en France peu d’études criminologiques sur ces actes d’ultra violence contre des personnes croisées par hasard.

Certains faits se rattachent bien à des motivations terroristes conscientes ou inconscientes, plus ou moins préméditées, plus ou moins spontanées. Le motif n’est pas l’appât du gain, mais présuppose une motivation immatérielle de nature idéologique, un sectarisme violent, ou un nihilisme bestial. L’effroyable meurtre par égorgement de deux jeunes filles françaises à la gare Saint-Charles de Marseille entre dans cette sinistre catégorie.

Dans les autres cas de violence arbitraire, il ne s’agit pas d’actes de délinquance à proprement parler, mais d’actes de « sociopathes » c’est-à-dire perpétrés par des individus amoraux qui méprisent la société, ses règles, sans aucune considération du bien ou du mal. Cette attirance pour la violation de la règle morale et le mépris d’autrui transparaît généralement dès l’enfance et perdure à l’âge adulte.

Du délinquant au sociopathe

Dans une société qui à juste titre sacralise la vie humaine et le respect de l’autre, ces attaques souvent mortelles constituent une transgression absolue, une manière insolente de revendiquer ostensiblement la jouissance du mal et de s’arroger en toute tranquillité la liberté de vie ou de mort sur autrui.

Les auteurs de ces violences gratuites présentent souvent le même profil de récidivistes déstructurés et agressifs qui a fait dire très justement à un des pères d’une des victimes de l’été: « toujours les mêmes !».

La question, non abordée dans notre société, mais désormais posée au législateur par ces affaires, est celle des mineurs ultraviolents, de plus en plus nombreux, de plus en plus dangereux. Elle appelle de penser leur détection précoce dès les premiers symptômes, leur traitement médical ou pénal et leur suivi ultérieur.

Agresser ou tuer sans raison est une manière d’affirmer qu’une vie d’un homme n’a pas davantage de valeur que celle d’un animal qu’on égorge ; pour l’auteur, la victime n’inspire aucune empathie, le mal aucune gêne, le meurtre aucun remord ; pire, dans son esprit reptilien, les semblables de la victime auraient pu tout autant subir le même sort. Derrière l’acte barbare, il y a le rejet de tout un système de valeurs que la société s’est ingéniée à vouloir inculquer, visiblement en vain chez ces individus sans repères.

Au-delà des pulsions primaires du « mâle dominant » voulant faire valoir sa toute-puissance individuelle, ne retrouve-t-on pas, chez les auteurs d’agressions « gratuites », la même volonté de soumission de la victime et dans le prolongement la sujétion symbolique du groupe auquel celle-ci appartient. Cette motivation est commune avec le terrorisme.

La volonté manifeste de soumission

La recrudescence des passages à l’acte nous montre que, dans notre pays, le phénomène n’est pas isolé, mais qu’il s’amplifie au fil des années.

La vérité est évidemment délicate à mettre en lumière pour les pouvoirs publics : cela reviendrait à reconnaître que dans nos rues, des milliers d’individus asociaux se baladent, prêts à tuer pour le plaisir, par contrariété passagère, par défi de l’autorité, par haine de la société française, par bravade ou par jeu.

Cette volonté de soumission, intolérable au regard de nos valeurs, est pourtant rarement analysée. Aurait-on peur de sacrifier à une analyse pertinente le principe quasi théologique du « vivre-ensemble » ?

De surcroît, notons que la volonté de soumission n’est jamais prise en compte dans la sanction. Au même titre que le racisme, ne faudrait-il pas penser à intégrer cette volonté de soumission qui est la négation de la dignité humaine comme une circonstance aggravante du crime ?

Toutes les mères sont pétrifiées à l’idée que leurs enfants peuvent ne pas revenir d’une sortie le soir, d’une promenade dans la rue ou d’une visite chez le commerçant du coin.

Une réflexion sur ce phénomène de société sur ce basculement moral et civilisationnel s’impose.

Les Français ont mis en œuvre des stratégies d’esquive

Les simples citoyens n’ont pas attendu pour intégrer ces nouvelles pratiques criminelles de plus en plus prégnantes dans une France « Orange mécanique », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Laurent Obertone, un auteur menacé pour ces écrits.

Sans se l’avouer, l’homme et surtout la femme de la rue a de plus en plus tendance à mettre en place des stratégies d’esquive pour s’extraire à temps du mauvais moment et/ou du mauvais endroit : ne plus sortir à partir d’une certaine heure, ne pas fréquenter certains lieux, éviter pour les femmes le port de short ou mettre un voile pour éviter les agressions ou les insultes, anticiper le changement de trottoir pour ne pas croiser une bande, attendre le métro suivant pour ne pas monter dans un wagon mal fréquenté, regarder ses chaussures pour ne pas croiser un regard, se faufiler préventivement au moindre bruit suspect, fuir subrepticement une situation potentiellement à risque …

Ces pratiques de contournement se retrouvent même dans les décisions plus coûteuses ou plus engageantes de la vie comme celle de déménager d’un quartier ou de se débattre administrativement pour fuir l’anxiogène carte scolaire.

Ces contraintes sont devenues tellement quotidiennes qu’elles passent pour être naturelles. Elles ne s’interprètent plus comme une atteinte à la liberté ou à la dignité de citoyen, mais comme un acte normal de la vie.

Le début de la solution requiert de prendre conscience de cette terrible régression.

Philippe Olivier

Tribune libre

06 septembre 2018

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