Lettre ouverte de Marine Le Pen à Bruno Le Maire, Ministre de l'Economie et des Finances

Marine Le Pen

27 novembre 2017

Monsieur le Ministre,

Le Front National se trouve depuis quelque temps dans la quasi-impossibilité technique de fonctionner du fait de la fermeture unilatérale et sans raison autre que politique de son compte bancaire par La Société Générale. Le Crédit du Nord, filiale de la SG, désigné par la Banque de France au titre de l’obligation bancaire, s’est exécuté, mais en privant le parti et le mandataire financier de l’usage de chèques, d’encaissement par carte bleue ou de prélèvements automatiques. Cette situation nous empêche techniquement de percevoir les dons, les adhésions ou les reversements d’élus indispensables à notre trésorerie.

J’ai trouvé auprès du président de la République que j’ai saisi de cette question lors de notre entretien à l’Elysée une attention qui m’a semblé bienveillante. Je l’ai vu soucieux de l’application de l’article 4 de la Constitution qui garantit le droit à l’existence des partis politiques et donc les conditions techniques de leur fonctionnement normal.

De votre côté, comme ministre de l’Economie, vous avez cru pouvoir proclamer dans la presse et avant d’avoir recueilli le moindre élément d’information objectif que votre rôle « était de défendre le système bancaire ». Je ne sais ce que vous avez pu retenir de l’école d’administration que, je crois, vous avez fréquentée, mais vous avez oublié que le bon fonctionnement de l’Etat, tout particulièrement en démocratie, procédait de sa neutralité. Votre position apparaît extrêmement inquiétante pour tous les Français et notamment pour les usagers des banques et les contribuables qui renflouent régulièrement les caisses des banques défaillantes. Cette partialité que vous revendiquez constitue l’aveu gênant que vous sacrifierez par principe tout intérêt, même juste, à celui des banques. Cette profession de foi consternante n’a que le mérite d’une maladroite honnêteté.

Par ailleurs, je me permets de vous faire observer que cette déclaration pour le moins précipitée précède les conclusions de la Banque de France et avant même que cette honorable institution ne nous ait entendus dans le cadre d’une enquête qu’on ne peut imaginer comme non contradictoire. Il semble que dans votre esprit les principes de droit et notamment le droit de la défense doivent céder le pas devant les allégeances qui sont fondamentalement les vôtres. Ce comportement n’est guère rassurant pour tous les contribuables qui dépendent de vos services et donc potentiellement de vos instructions.

Ayant pu constater par le passé, comme tout le monde, la solidité de vos déclamations et les opportuns revirements politiques qui vous ont permis de vous hisser au poste où vous êtes, je garde un secret espoir que vous puissiez revoir votre position.

Au-delà de son cas propre qui est le révélateur d’un abus de position dominante de la part des banques, le Front National entend poser la question de la moralisation du système bancaire : comment admettre que l’on puisse laisser les banques augmenter leurs tarifs unilatéralement, ponctionner sur les comptes des frais opaques, voire indus, effectuer des placements douteux, refuser aux entreprises les crédits dont elles ont besoin pour financer les investissements et donc l’emploi, s’adonner au casino boursier au risque d’effondrer l’économie comme ce fut le cas par le passé… ?

Plus graves sont les comportements qui relèvent de l’indignité morale et même de l’infraction pénale et qui conduisent les banques à adopter des pratiques humiliantes pour les plus vulnérables, à pratiquer la discrimination notamment à l’égard des malades, à organiser la fraude et la « délocalisation » fiscales ou même à financer le terrorisme.

Ce débat s’imposera à la société, comme se posera la question de la démocratie si un parti d’opposition français, comme le nôtre, devait être contraint à l’exil bancaire pour fuir les persécutions ou, plus simplement, pouvoir continuer à fonctionner.

Je vous prie d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Marine Le Pen

Présidente du Front National

Marine Le Pen

27 novembre 2017

>