SNCF : une réforme en trompe-l’œil

Audrey Guibert

05 mars 2018

Tribune d’Audrey Guibert, élue régionale Ile-de-France en charge des Transports et mobilités

Le gouvernement impose la vision ultralibérale de Bruxelles aux usagers et contribuables français :

Le Premier ministre Edouard Philippe a détaillé ce lundi en compagnie de la ministre des Transports Elisabeth Borne les orientations gouvernementales à propos de la prochaine réforme de la SNCF.

Les perspectives énoncées sont les suivantes : fin des recrutements au statut cheminot ; réforme du groupe SNCF avec passage du statut d'Entreprise Publique à vocation industrielle et commerciale à celui d'une Société Anonyme à capitaux publics ; examen d'ici l'été d'un nouveau projet stratégique du groupe SNCF ; rejet des conclusions du rapport Spinetta concernant l'avenir des petites lignes ; report de la discussion sur le régime des retraites des cheminots ; pas de reprise de la dette par l'Etat ; présentation au Parlement d'une loi d'habilitation à légiférer par ordonnance dans le cas où le dialogue avec les différentes parties concernées ne serait pas serein...

Si l'abandon des conclusions du rapport Spinetta sur le déclassement des petites lignes nous paraît être une décision de bon sens (bien qu'il y ait fort à parier que le transfert de charges s'effectuera au profit des Régions qui fixeront les objectifs de ces lignes, espérons dans l'intérêt des usagers), nous mesurons à quel point le gouvernement impose sa vision politique de manière antidémocratique, en brandissant une nouvelle fois la menace des ordonnances. La notion de dialogue social semble quelque peu étrangère à Emmanuel Macron !

La feuille de route ultralibérale de Bruxelles – que le Président français et ses ministres suivent à la virgule près – dicte une fois de plus nos politiques publiques, au grand détriment des intérêts des Français. Edouard Philippe l'a annoncé dans le cadre de sa conférence de presse : la France doit se conformer aux standards européens en matière de modernisation des entreprises. De quoi rabaisser le peu de souveraineté qu'il subsistait encore dans notre pays... La transformation de la SNCF en une société nationale à capitaux publics ouvrira ainsi la voie à la privatisation qui entachera à coup sûr la bonne tenue de la mission de service public sans que les usagers y rencontrent une amélioration. Sans parler de l'offre tarifaire qui risque de grimper sans meilleure qualité de service à l'instar de la Grande-Bretagne qui subit encore la privatisation de la branche ferroviaire.

Oui la SNCF est mal gérée, mais ce n’est pas aux usagers d’en payer les conséquences !

Néanmoins, cela ne doit pas dédouaner la SNCF de tous ses manquements et de la situation dans laquelle elle s'est engouffrée durant toutes ces années. La dette colossale qu'elle accumule (près de 50 milliards d'euros !) n'est pas anodine et relève de nombreuses carences parmi lesquelles figurent les investissements mal orientés, une politique du « tout TGV/LGV » appuyée par les décideurs à travers un clientélisme sans nom, une maintenance du réseau calamiteuse, une gestion managériale désuète... Dans cette mesure, il est logique que le statut des cheminots évolue et se modernise pour ne pas se cantonner à des bases remontant à des situations datant de plusieurs dizaines d’années. Les usagers attendent des agents de

la SNCF une meilleure responsabilisation et une meilleure implication dans la mission de service public qu'ils servent chaque jour. Trop souvent les usagers pâtissent des engagements syndicaux de certains, certes légitimes même si l’information et la connaissance des revendications sont peu communiquées, mais dont l'objectif n’est certainement pas de rendre au public un service digne de ce nom.

Les grands perdants de la réforme seront les usagers-contribuables (comme toujours !) dont le quotidien est déjà émaillé par de très nombreux incidents, tant des retards que des grèves. Il est urgent d'instaurer une véritable politique de transport du quotidien qui assure la mobilité et le développement de tous les territoires sans opposer efficacité et service public. Sans passer par une privatisation de la branche, le ferroviaire français a besoin de revoir sa copie, la SNCF en premier lieu. S’adapter aux besoins des acteurs et utilisateurs du ferroviaire (usagers/voyageurs/clients, entreprises, etc.) plutôt que de raisonner simplement en termes de pertinences économiques et profits serait déjà une première étape… C’est en tout cas ce que le Front national préconise.

Audrey Guibert

05 mars 2018

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