Transporteurs, automobilistes, propriétaires de 2 roues : tous mis à l’amende !

Christophe Rairie

Tribune libre

19 avril 2018

Tribune de Christophe Rairie, Coordinateur national "Transports routiers" du Forum Route Nationale

La livraison en milieu urbain et la logistique du dernier kilomètre dans laquelle elle s’inscrit contribuent plus que largement à l’aménagement du territoire. Dans une politique d’innovation durable de la ville, il convient aujourd’hui que nos élus s’intéressent aux acteurs de la filière transport qui proposent des combinaisons de transport vers les centres-villes comme des alternatives durables et fiables. D’un point de vue technique, des solutions existent sur le marché (ex : véhicules électriques autonomes embarqués), comme celles que nous avons pu observer récemment lors du Salon International du Transport et de la Logistique à Villepinte (https://www.youtube.com/watch?v=RoatIe60Ty8). Mais, cependant, c’est d’une réelle volonté politique dont dépendent la diffusion et la généralisation de ces solutions sur notre territoire et dans nos villes. Sur cette question, alors que certaines initiatives dédiées existent déjà, mais de façon encore trop marginale, la France accuse aujourd’hui un certain retard par rapport à d’autres pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne ou encore la Suède. Les réseaux fluviaux passant notamment par certaines grandes villes ainsi que les ports autonomes placés en amont de ces villes pourraient jouer le rôle de plaques tournantes, alimentant ainsi les modes alternatifs dans le circuit de la livraison du dernier kilomètre vers les magasins et les clients finaux. Là encore, c’est bien d’une politique de la ville en adéquation nécessaire avec l’offre transport dont il est question et dont le devenir de l’innovation logistique des villes dépend. Dans cette réflexion, les plans de transport et schémas logistiques impliquant des ruptures de charges doivent aussi être repensés de façon à limiter et faire disparaître les transports à vide entre un point de déchargement et un point de rechargement ; la massification des flux vers les hubs logistiques doivent désormais faire l’objet d’une pensée plus globale s’appliquant à tout type de marchandise et non plus seulement à des flux dédiés aux grands manufacturiers comme l’industrie automobile. Fort d’une évolution et même d’une mutation technologique sans précédent, le secteur du transport routier représente aujourd’hui un vecteur de développement et de croissance durable étroitement lié à l’environnement dans lequel il circule. On voit ainsi apparaître chez les grands constructeurs une gamme de motorisation poids lourds au gaz naturel (GNV / GNL) et les carrossiers allongent leurs lignes d’équipements par de petits véhicules à l’encombrement très réduit embarqués sur le poids lourd, permettant ainsi de résoudre une réelle problématique de stationnement en ville pendant les livraisons.

Il est donc fort dommage qu’à défaut d’une réflexion constructive sur le secteur routier nous assistions depuis le début de l’année à la lancée d’un « train de mesures » sans précédent à destination et contre les usagers de l’infrastructure routière. On assiste là à une véritable verbalisation systématique et généralisée des automobilistes et de tous les utilisateurs de l’infrastructure sans distinction et sans aucune exception.

La limitation de la vitesse à 80 km/h : Une mesure dont le but n’est que de rendre absolument tous les usagers de la route (particuliers et professionnels), coupables afin qu’ils soient sanctionnés et ainsi mis à l’amende comme des délinquants en puissance ! Contrairement à l’argument de faire baisser le nombre de tués sur les routes de France, la finalité déguisée de cette mesure n’est autre que de remplir les caisses par le biais de nos quelques 4700 radars automatiques qui fonctionnent comme de véritables «jackpots» au profit de l’Etat -qui selon

ses prévisions, engrangera cette année des recettes qui dépasseront le milliard d’euros ! De surcroît, du côté des professionnels, à l’heure de la réforme de la SNCF, on est en droit de se poser certaines questions. En effet, il y a quelques jours, au début de la grève de la SNCF (qui a déjà coûté 170 millions d’euros en 6 jours), Madame Elisabeth Borne, Ministre du Transport, évoquait la possibilité de faire contribuer les transporteurs routiers au financement de la dette de la SNCF. En bref, voitures, poids lourds, deux roues… tout ce qui circule en Macronie doit être sanctionnable, verbalisable et rapporter de l’argent ; autrement dit, rançonner pour avoir le droit d’emprunter l’infrastructure nationale. Et s’il n’y avait que cela ? Car pour stationner aussi, il faut payer ! Après la hausse spectaculaire du tarif de stationnement applicable aux voitures dans les grandes villes, le stationnement des 2 roues est désormais devenu payant depuis le 2 avril à Charenton-le-Pont et à Vincennes : une nouvelle manière de faire entrer l’argent dans les caisses des municipalités, et donc de l’Etat, qui risquerait de s’étendre à d’autres villes ! En effet, maintenant que ce dispositif est lancé dans ces deux villes pilotes, il s’agit là d’une belle aubaine pour les autres villes pour se lancer à leur tour dans la tarification et la verbalisation systématique des deux roues. Rappelons par ailleurs que depuis le 1er janvier, chaque municipalité est totalement libre d’appliquer ou non cette tarification. De la même manière que les automobilistes, les motards sont mis à l’amende et cette fois-ci sous le prétexte de lutte contre l’incivilité liée au stationnement sur l’espace piéton et surtout sous le si pratique et indémodable prétexte écologique ! Autrement dit, maintenant que le ver est dans le fruit, il pourrait bien se propager sur un plus vaste périmètre et sévir de plus en plus durement. On parle aujourd’hui pour ces deux seules villes de 1,50€ pour 2 heures de stationnement, mais demain et après demain, à l’heure où tout augmente chaque année, quel sera le prix à payer ? Un racket organisé qui n’a déjà pas de limites !

Et par dessus le marché, une nouvelle législation sur le contrôle technique qui entre en vigueur le 20 mai !

Si la fréquence et l’âge des véhicules concernés (tous les 2 ans à partir de la 4è année) restent inchangés, la nouvelle directive qui entrera en vigueur le 20 mai 2018 rendra le contrôle technique plus poussé et surtout plus drastique. Par ailleurs, l’automobiliste disposera d’un délai beaucoup plus court pour prendre rendez-vous avec le garage afin de procéder aux réparations nécessaires en cas de défaillances diagnostiquées. Au lieu d’un délai de 24h fixé initialement, l’automobiliste n’aura que jusqu’à minuit le jour même du contrôle pour se retourner. Au-delà de ce délai, s’il n’a pas fait le nécessaire auprès de son garage, il sera en infraction et donc verbalisable. Selon une récente étude, 1 Français sur 3 dépasse le délai limite pour faire le nécessaire suite à un contrôle technique indiquant une défaillance. Dans la majorité de ces cas, c’est la raison financière qui est la cause de ce retard. A y regarder de plus près, cette mesure ne consisterait pas plutôt à contraindre encore davantage les automobilistes jusqu’à les prendre pour des hors la loi ? Une nouvelle fois, sous couvert et sous le faux prétexte de plus de sécurité routière, il s’agit finalement bien de prendre plus d’argent et plus rapidement à l’automobiliste !

Christophe Rairie

Tribune libre

19 avril 2018

>